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PROTECTORAT FRANÇAIS DU LAOS (1893-1954): BRÈVE HISTOIRE DU LAOS (PARTIE. 1)


a— Expansion Française

Après l'acquisition du Cambodge en 1863, des explorateurs français dirigés par Ernest Doudart de Lagrée effectuèrent plusieurs expéditions le long du Mékong afin de trouver d'éventuelles relations commerciales pour les territoires du Cambodge français et de la Cochinchine (l'actuel Sud-Vietnam). Fort de ces expéditions, un consulat français fût établi en 1885 en amont du fleuve, dans le royaume de Luang Phrabang, royaume vassal du Siam (actuelle Thaïlande). [1]


En 1888, les forces chinoises connues sous le nom de ‘Pavillons noirs’ déclarèrent la guerre au Siam et à son État vassal de Luang Prabang. Les forces françaises intervinrent alors pour mettre la famille royale en lieu sûr et des troupes venues de Hanoi arrivèrent en renfort pour bouter l’ennemi. A son retour en ville, le roi Oun Kham demanda l’établissement d’un protectorat français sur son royaume, tournant ainsi le dos au royaume Siamois.

Trahi, le Siam se lança dans une guerre contre la France qui s’avéra être une échec total et marquera le début d’une série de déconvenue. La France, dans sa victoire, s’étendit vers l’ouest jusqu’au bord du Mékong, le Protectorat du Laos fût alors officiellement établi et une série de traités contraignirent le Siam à céder des terres. L’élargissement du territoire prit fin en 1907, quand le Siam coopéra avec les Britanniques pour freiner l'expansionnisme français en Indochine. L’Empire britannique craignait qu’une annexion du Siam par la France bouleverse l'équilibre des forces dans la région [2].


b— La place du Laos dans le colonialisme Français.

b—1. Un territoire délaissé

Parce que l’annexion du Siam avait échoué, le Laos ne représentait plus d’intérêt majeure pour la France. En effet, le pays posait deux inconvénients, premièrement, le territoire était largement sous-peuplé. Secondement, l’absence de port maritime et la topologie montagneuse du pays en faisait un territoire particulièrement isolé et défavorable au commerce. Pendant les cinquante années suivantes, le Laos restait donc en arrière-plan dans l'empire français d’Indochine. L'activité commerciale était laissé aux populations locales et l’économie se développa lentement, d'abord autour de la culture du riz et la distillerie de l'alcool de riz [3].

b—2. Destabilisation démographique

Sous le régime français, les Vietnamiens furent encouragés à émigrer au Laos pour remédier au sous-peuplement du pays. En 1940, ils étaient majoritaires dans quelques grandes villes et jouissaient de surcroit du droit d'élire leurs propres représentants locaux. En l’occurence, 53% de la population de Vientiane, 85% de Thakhek et 62% de Paksé était vietnamienne en 1943 [4].

b—3. Les relations Franco-Lao

Officiellement, le royaume de Luang Phrabāng restait un protectorat doté d'une autonomie interne, mais en pratique, il était contrôlé par les français et gouverné comme une colonie. La mise en place du protectorat a été pacifique, et la monarchie s'accommoda d'une tutelle française qu'elle a réclamée à l'origine. Mais certaines minorités ethniques ne l'acceptaient pas car elles ne jouissaient guère des bienfaits du protectorat et n’y voyaient aucun intérêt de faire des corvées, de payer des taxes, d'abandonner les traditions et de renoncer aux trafics commerciaux dont celui de l'opium et des esclaves [5].


c— La seconde Guerre Mondiale

En septembre 1940, les forces japonaises entrèrent en Indochine française. Cela se fit avec la réticence des autorités françaises de Vichy.

Plus tôt en 1932, Plaek Phibunsongkhram, premier ministre du Siam, avait renversé le roi pour établir sa propre dictature militaire. Il avait rebaptisé le pays en Thaïlande, avec l'intention d'unifier les peuples Taïs et Lao, sous une seule nation. En octobre 1940, la Thaïlande, voyant une France affaibli attaqua la rive est du Mékong. C’est en réalité une vaine et imprudente tentative qui aurait pu avoir de lourdes conséquences si le Japon n’était pas intervenu. En effet, au moment où la France contre-attaqua, la puissance Nippone imposa un cessez-le-feu salvateur pour les thaïlandais et fît même concéder des provinces lao et cambodgiennes françaises à la Thaïlande. La perte de ces territoires fragilisa le protectorat. Afin de maintenir le soutien et d'expulser l'influence japonaise et thaïlandaise, le gouverneur général de l'Indochine Jean Decoux fomenta la montée d'un mouvement nationaliste Lao, le ‘Mouvement de rénovation’, qui cherchait à défendre le territoire Lao contre l'expansion thaïlandaise. Plus d'écoles sont construites au Laos durant cette période qu'au cours des 40 dernières années, la propagande anti-thaï y était enseignée. Le mouvement publie même un journal de propagande, Lao Nyai (Grand Laos) en janvier 1941, qui dénoncait la politique thaïlandaise à l'égard du peuple tout en promouvant un sentiment d'identité national lao [6].

En 1944, la France est libérée, au même moment, les troupes impériales nippones étaient largement vaincues sur le front Pacifique. Par désespoir le Japon tenta de s'attirer le soutien des autochtones en mettant fin au contrôle français sur ses colonies indochinoises en mars 1945. Un grand nombre de fonctionnaires français furent alors emprisonnés ou exécutés.

Dans le vide politique provoqué par la conclusion de la seconde guerre mondiale, le prince Phetsarath forma un mouvement nationaliste: le Lao Issara (Laos libre) qui prit le contrôle du gouvernement et réaffirma l'indépendance du pays le 12 octobre 1945.


d— De 1945 à la fin de l’Indochine française

Le gouvernement Lao Issara a commencé à perdre le contrôle du pays au début de l’année 1946. Il s'était rapidement retrouvé sans argent et sans soutien politique. En effet le Lao Issara était un petit mouvement urbain qui ne parvenait pas à connecter les populations rurales et qui de surcroît pâtissait d’un manque de légitimité et de reconnaissance nationale et internationale.

Le colonel Hans Imfeld, du gouvernement provisoire français, entra dans la capitale de Vientiane au mois d'avril 1946 et libéra les prisonniers politiques français et lao avec l’aide des troupes du prince Boun Oum [7]. Après la promulgation d'une constitution et l'organisation d'élections générales, une convention franco-lao fût signée en juillet 1949, par laquelle le Laos se vît accorder une autonomie limitée au sein de l'Union française, tous les pouvoirs importants restant entre les mains des Français. Toutefois, il n’y eu pas de retour à la normal, les récents évènements avaient profondément changés l’ordre géopolitique et les relation franco-lao. Un mouvement radical et populaire, le Pathet Lao ("Terre des Laos) se joignit alors aux forces du Viet Minh pour s'opposer aux Français. Entre 1950 et le début de 1954, le Pathet Lao gagnait en puissance dans le nord-est du pays et tint une ferme emprise sur deux provinces lorsque la conférence de paix de Genève mit fin à la première guerre d'Indochine.


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[1] Auguste Pavie, ‘l’explorateur aux pieds nus’ Disponible sur: http://pavie.culture.fr/rubrique.php?rubrique_id=47


[2] Ella S. Laffey, ’French Adventurers and Chinese Bandits in Tonkin: The Garnier Affair in Its Local Context’, 1975 Disponible sur: https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-southeast-asian-studies/article/abs/french-adventurers-and-chinese-bandits-in-tonkin-the-garnier-affair-in-its-local-context/299B2486B415FD4C0B12EA87D5198FF0


[3] Ivarsson, Søren ‘Creating Laos: The Making of a Lao Space Between Indochina and Siam, 1860-1945’, 2008, p-102 Disponible sur: https://books.google.fr/books?id=FsXjlJF_fokC&pg=PA102&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false


[4] Stuart-Fox, Martin ‘A History of Laos’, 1997, p- 51 Disponible sur https://books.google.fr/books?id=8VvvevRkX-EC&pg=PA51&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false


[5] Paul Lévy ‘Histoire du Laos’ 1974, p- 83


[6] Paul Lévy ‘Histoire du Laos’ 1974, p- 90


[7] Arthur J. Dommen: ‘The Indochinese Experience of the French and the Americans: Nationalism and Communism in Cambodia, Laos and Vietnam’ 2001, p- 139–144

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