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Patrimoine Lao : le tissage et la soie

La soie Lao se caractérise par sa méthode de fabrication artisanale traditionnelle. Cette soie dite « sauvage » en raison de sa texture plus brute est tissée à la main, sans machine, ce qui peut prendre des jours pour n'effectuer qu'un mètre ou deux de tissu. Cette forme d'artisanat élevée au rang d'Art, est une manifestation culturelle de l'identité Lao. Profondément ancrée dans son Histoire et bien qu'elle ait failli se perdre, l'industrie de la soie a un long et illustre passé au Laos. Depuis le IIeme siècle, les textiles du Laos s'exportent et on donné son nom à la route de la Soie.



Processus de fabrication de la soie et tissage


Le cycle de production de la soie s'organise avec celui du riz, rythmé par les saisons sèches et humides. La soie est une fibre extraite du cocon produit par le Bombyx mori, un papillon nocturne qui n'existe pas à l'état sauvage. Il est obtenu au cours d'un processus d'élevage sélectif, nommé sériciculture. Le papillon pond ses oeufs à la saison sèche. Les larves se nourrissent de murier jusqu'à atteindre leur maturité puis cessent de s'alimenter. Ensuite, à l'aide de glandes séricigènes, elles sécrètent un fil, tissant un cocon dans lequel elles s'enferment en attendant leur transformation. C'est entre à ce moment que l'on intervient pour extraire le fil de soie. Traditionnellement, les Lao élevaient des vers à soie de cocon jaune, produisant un fil court, fragile et cassant. Grace à des spécimens d'origine étrangère, les éleveurs obtiennent aujourd'hui des cocons blancs qui fournissent des fils de soie de plus de mille mètres de longueur. L'égrenage est le processus qui consiste à extraire le fil de soie, on récolte les cocons puis les plonge dans l'eau chaude et pouvoir ainsi dévider le filament. De ces filaments réunis on obtient le fil qui va être teinté. Autrefois, les Laos utilisaient des teintures végétales telles que du curcuma ou de l'indigotier que l'on faisait bouillir. Maintenant les teintes chimiques sont plus précises.

Une fois les matières premières obtenues, c'est à l'aide d'un métier à tisser, généralement en bois que les tisseuses vont confectionner les pièces de tissu. Tisser consiste à entrecroiser à l'aide des organes de commandes du métier à tisser, des fils de chaine et de trame. La tisseuse actionne alternativement les deux rangs de lisses qui portent deux couches de fils en marchant sur une pédale, puis sur l'autre ouvrant un espace entre les deux couches dans lesquelles elle passe la navette contenant le ou les fils de trames, sur lesquels vont ensuite se refermer les rangées de fils et former des motifs.



Sociologie et symbolique du tissage


Le tissage est une activité qui apparaît comme genrée de manière évidente au Laos et dont les hommes sont absents. Ce n'est pas pour autant qu'ils ne participent pas à la production. Si le tissage en lui même est associé aux femmes, ce sont les hommes qui construisent le métier à tisser et toutes les composantes en bois. Ils peuvent également participer aux activités annexes telles que le bobinage ou la teinture.

Le métier à tisser est présent dans toutes les familles au Laos, même les plus modestes, et se transmet de mère en fille, avec les savoirs qui l'accompagnent. Les soies et tissages de plus grande qualité étaient utilisés à la cour royale. Au XIXe et XXe les tisserandes qui y oeuvraient étaient renommées pour leurs étoffes somptueuses dans le monde entier. Les vêtements que portent les membres de la royauté lao traduisent leur position hiérarchique ; certaines couleurs et certains motifs correspondant à un rang ou un statut particulier.

Le tissage est omniprésent dans les sociétés traditionnelles et dans la vie au Laos. Les jeunes femmes tissent des étoffes pour en faire des présents à leurs prétendants mais aussi aux anciens du village en marque de respect. En dehors de la cour royale, les femmes appartenant aux tribus des montagnes sont considérées comme d'excellentes tisserandes. Cette réputation leur assure de trouver facilement un mari. C'est sur leurs capacités en tant que tisserandes que l'on juge de leurs qualités humaines, si elles sont capables d'en produire en quantités et qualités suffisantes pour permettre des échanges interpersonnels. Leur aptitude à tisser, à s'intégrer et à échanger donc à se marier étaient discutées par la collectivité.

Ce sont également d'importants marqueurs sociaux : les vêtements portés et les motifs sont révélateurs de l'age et du statut de leur propriétaire, mais aussi de son ethnie et de son vécu. On compte 49 ethnies au Laos dont la plupart ont leur propre style traditionnel de tissage. Par exemple chez les Akhas, le style et la décoration de la coiffe d'une femme mentionne le temps qui s'est écoulé depuis qu'elle a donné naissance à un enfant.

Les tissus jouent également un rôle important dans les cérémonies, cultes et rites bouddhiques. Les femmes ne pouvant accéder à l'ordination, c'est par leurs dons lors des cérémonies qu'elles obtiennent un mérite religieux et par le tissu que revêtent les hommes qui leurs sont apparentés. Que les textiles soient à usage vestimentaire, domestique, quotidien, cérémoniel ou pour des échanges, ils agissent comme facteur de l'intégration sociale des femmes. Par leur biais, elles établissent et entretiennent des relations sociales, se forgent une réputation et accumulent des mérites religieux.


Évolution et préservation


Les savoirs-faire du tissage se sont en partie perdus avec la guerre du Vietnam et ont bien failli disparaitre dans les années 70. Les femmes étaient contraintes à vendre leurs machines pour obtenir de quoi subvenir aux besoins de leurs familles. En perdants leurs outils, le savoir faire qui se transmettait de génération en génération s'est peu à peu perdu. Grâce à l'Union des femmes lao, à un programme de restauration et préservation du patrimoine des Nations Unies et à des initiatives individuelles, cette tradition reprend vie depuis la fin des années 80. Le regain d'intérêt porté au tissage a été favorisé par l'industrie du tourisme, qui apporte une demande étrangère. De plus en plus de pièces sont vendues entre autres sur des marchés tels que le marché Hmong qui se tient à Luang Prabang. A l'origine, les tisserandes produisaient des pièces uniquement pour les besoins de la famille, mais de nos jours leur production est d'avantage orientée vers le commerce, avec des articles destinés au tourisme. Ce qui était limité au cercle de la communauté, du groupe ethnique ou du village et à usage domestique s'est transformé en activité commerciale à but lucratif.

La préservation et le développement de ces techniques, de cet héritage culturel, sont cruciaux pour perpétuer l'expertise des tisserandes et permettre l’évolution et la transmission de la culture lao.


Iris PRZYCHODZEN VINCENT

Photos : Gatsby de Gène

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