Consommé dès l'Antiquité, l'opium est une drogue narcotique issue du pavot connue pour être tant thérapeutique que toxique. Son histoire à la fois politique, sociale, économique et même militaire est étroitement liée à celle du Laos.
La lutte contre les drogues au Laos, et plus particulièrement l'opium, est une question plutôt récente qui remonte aux années 1980, avec l'ouverture économique du pays. Introduit ou plutôt imposé par les puissances coloniales, l'opium passe d'une consommation sociale et culturelle à une production commerciale. Aujourd'hui, l'opium fait toujours l'objet d'un important narcotrafic dans le « triangle d'or », deuxième zone principale de production de l'opium dont fait partie le Laos avec la Thaïlande, le Viet Nam et la Birmanie.
Si le Laos est aujourd'hui encore le troisième pays cultivateur d'opium au monde, il est bon de préciser que les deux premiers pays produisent 96% de l'opium du globe. En 2005, le Laos était responsable de moins d'1% de la production mondiale et en 2004, le chiffre d’affaires des producteurs lao d’opium ne représentait que 0,003% de la valeur du marché mondial de détail des drogues illicites.
Dans un premier temps apanage des classes sociales élevées en Chine, par le biais des mandarins, sa consommation s'étend rapidement à toutes les classes sociales. Marchandise imposée par les puissances coloniales, l'opium est d'abord exporté au XVIIIe par la Grande Bretagne vers la Chine, qui en a fait rapidement une forte consommation avant de devenir elle-même le plus grand producteur mondial en 1860. Suite aux guerre de l'opium, la Chine est contrainte de légaliser et d'ouvrir totalement son importation. La politique coloniale menée en Indochine provoque l’essor de la consommation d'opium locale puis de la culture du pavot. Le nord du Laos devient de la même manière une région de culture massive sous l'influence de la France. Par la suite, le processus de décolonisation en Asie du Sud-Est participe au renforcement de la production locale et paysanne. Les différents acteurs des conflits ont même financé une partie de l’effort de guerre grâce aux bénéfice générés par la vente d’opium.
Au cours du XXe siècle, les questions du contrôle des stupéfiants vont jouer un rôle croissant dans les relations internationales. En 1906, la Chine produit les premiers édits visant la suppression de la production et de la consommation d'opium. Les premières conférences internationales sur ces questions sont initiées par la Chine et les États-Unis et c'est à partir des années 1960 avec la créations des Nations Unies que celles-ci vont gagner de la substance et prendre peu à peu effet.
Au cours des années 1980, le Laos s'ouvre économiquement et fait l'objet d'une aide internationale croissante. Pointé fréquemment du doigt et sous la pression des pays donateurs, le Laos qui était resté en retrait va entamer une politique répressive d'éradication rapide de l'opium. Les ethnies Hmong et les Akha qui étaient de grands producteurs d’opium font l'objet d'une véritable lutte et de discriminations croissantes. Depuis 1990, l’article 135 du code pénal interdit le trafic de drogues et en 1996 une partie des modes de production sont interdites. Ce sont les accords de 1998, entre le gouvernement Lao et l'ONUDC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) qui marquent réellement l'affirmation de la volonté de l'état de mener d'une politique plus ferme contre l'opium en exerçant une importante pression administrative sur les producteurs. Le code pénal est renforcé en 2001 pour bannir production et commerce avec une nouvelle augmentation des sanctions.
Cette politique a dans un premier temps donné des résultats qui semblent encourageants, au vu des statistiques officielles, la culture du pavot est en passe de disparaître du Laos. La surface de culture de l'opium a baissé de 10 à 20% par an depuis 1999. On passe d'environ 20 000 à 30 000 hectares dans les années 1990 à 1800 hectares en 2005. Au-delà des évidents risques sanitaires liés à l'opium, la corrélation entre l'opium et la pauvreté avait été pointée du doigt à plusieurs reprises par l'ONUDC et motivait la lutte contre les drogues. Au Laos particulièrement, les producteurs-consommateurs d’opium sont nombreux (plus de 50% des producteurs) et cette toxicomanie rend leur situation économique précaire. Si l'opium était source de revenus un temps, il devient la cause d'un appauvrissement des familles d'opiomanes.
Des effets sociaux et économiques positifs ont été constatés avec la baisse de production, notamment une baisse des opiomanes consommateurs et producteurs. Toutefois, ces résultats sont largement discutables, la stricte interdiction du pavot rendant difficile la collecte d'informations fiables et les chiffres seraient largement sous-estimés. De plus, les interdictions de productions ont entrainé une importante baisse du revenu villageois, le pavot représentant 50% du revenu moyen des familles. Cette baisse de revenus fait l'objet d'importantes disparités locales. On constate que les villages proches des villes sont moins touchés que les villages isolés des montagnes et éloignés pour lesquels, elle sera plus marquée entrainant une augmentation de la pauvreté. En effet, ces villageois disposent généralement de moins d'opportunités économiques alternatives, ajouté à leurs faibles capacités d'investissements. Les hommes sont obligés de descendre dans les vallées et les villes pour vendre leur force de travail.
Un accompagnement et un soutien dans cette transition sont nécessaires. Il est essentiel de financer des projets de développement rural pour compenser la baisse de revenus des anciens cultivateurs de pavot et d'assurer leur autonomie pour afin de limiter les risques de reprises de production de pavot dès lors que la législation s'assouplira ou que leurs besoins économiques se feront trop pressants.
Iris PRZYCHODZEN VINCENT
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